19 mars 2010

Nature naturante / Nature naturée

Macherey, Introduction à l'Ethique de Spinoza, La première partie, la nature des choses
 
"La nature naturée ne succède pas à la nature naturante, de la manière dont l'effet succéderait à sa cause au point de vue d'une conception "transitive" de la causalité qui les détache de l'un de l'autre, (...), mais elle lui est simultanée, et ne peut en être séparée. Selon la leçon essentielle donnée par la proposition 15,

Tout ce qui est, est en Dieu, et sans Dieu, rien ne peut  ni être, ni se concevoir

toutes les choses, qui sont les conséquences de l'action divine, sont "en Dieu seul" (in solo Deo): c'est pourquoi nature naturante et nature naturée sont une seule et même nature, considérée à deux points de vue différents. Ceci exprime simplement le fait que les effets ne peuvent, par définition, être conçus de manière séparée, en eux-mêmes, donc indépendamment de leur cause, qu'ils impliquent et qui s'exprime à travers eux."

"Nature naturante et nature naturée sont en quelque sorte les deux pôles extrêmes de ce processus: la nature, en tant qu'elle est ce qui "nature", et s'identifie par là à la puissance de Dieu qui est l'expression directe de son être, est, considérée du point de vue de ce qui constitue l'origine de son activité, "naturante"; et le produit de cette action, donc son résultat ou son effet, est la même nature en tant qu'elle est simultanément "naturée", c'est-à-dire découle de la dynamique de cette puissance qui a son principe dans la nature des choses.

(...)

En effet, il n'y a pas deux ou plusieurs natures, mais une seule puisque Dieu produit toutes choses en lui-même, conformément à sa propre nature qui est d'être tout en soi."

Scolie de la proposition 29:
Avant d'aller plus loin, je veux expliquer ici ce qu'il nous faut entendre par Nature naturante et Nature naturée, ou plutôt le faire observer. Car j'estime que ce qui précède a déjà mis en évidence que, par Nature naturante, il nous faut entendre ce qui est en soi et se conçoit par soi, autrement tels attributs de la substance, qui expriment une essence éternelle et infinie, c'est-à-dire Dieu considéré en tant que cause libre. Et par naturée, j'entends tout ce qui suit de la nécessité de la nature de Dieu, autrement dit de chacun des attributs de Dieu, en tant qu'on les considère comme des choses qui sont en Dieu, et qui sans Dieu ne peuvent ni être ni se concevoir.